Aujourd’hui, je vous présente l’artiste Sylvie Loeb qui m’a chaleureusement accueillie chez elle. Autour d’un café et de certaines de ses œuvres, dont des livres illustrés pour enfant, elle me montre son atelier et me raconte comment son devenir d’artiste a émergé dans sa vie. De prime abord, je comprends que Sylvie possède une âme positive qui sait tirer le bon du mauvais et qu’elle s’efforce de le transmettre dans sa vie quotidienne ; mais, dans un premier lieu, dans son œuvre.
Née à Berne, Sylvie y reste jusqu’à ses quatorze ans et fréquente une école de langue française. Ensuite, elle part à Lausanne, en internat, où elle prépare son baccalauréat. Entre Lausanne et Neuchâtel, elle suit des études de Lettres où elle étudie principalement l’histoire de l’art. En parallèle, me dit-elle, elle occupe différents postes dans des domaines divers – cela a été de belles expériences qui lui ont appris beaucoup de choses dans la vie, ajoute-t-elle. En 1984, elle est engagée à la Fondation de l’Hermitage en tant que secrétaire générale. Elle occupe ce poste douze ans durant ; jusqu’à ce qu’elle subisse un grave problème de santé qui l’oblige à s’arrêter.
Cet événement a eu de lourdes répercussions sur la parole qu’elle perdit quelque temps. Ceci a été le moteur de la découverte de sa vocation artistique. En effet, son seul moyen d’expression était devenu l’art, notamment par la gravure, la peinture ; mais aussi les livres destinés aux enfants. Elle me dit qu’il n’est jamais trop tard pour se lancer et j’acquiesce car ce besoin artistique se découvre parfois tard même si, en réalité, il a toujours été là et qu’avec le recul, l’artiste s’aperçoit que toute sa vie quelque chose lui a manqué. Ainsi, elle va suivre des cours à l’atelier de Jacques Walther pendant quelques années. Il lui enseigne les diverses techniques artistiques de base puis, depuis 2005, elle suit les cours de gravure eau-forte de Monique Lazega, diplômée de l’Ecole des Beaux-Arts, à Lausanne. Elle y rencontre des artistes telle qu’Iris Dwir-Golderg, artiste membre de l’association Espace Artistes Femmes.
A la suite de son récit, Sylvie me montre son atelier où elle travaille principalement l’eau-forte. Elle me fait découvrir différentes œuvres où il est possible de voir le recyclage photographique qu’elle intègre à la composition. Ainsi, elle ne jette rien, me dit-elle. Tout est utile. Différents supports se présentent à elle ; pour ainsi utiliser plusieurs éléments en même temps ; car, ajoute-t-elle, c’est un moyen de voir d’autres motifs se développer en osmose.
La photogravure est une technique qu’elle va privilégier. Elle me tend l’un des portraits d’une de ses petites-filles, magnifique, et me l’offre. Je suis touchée et honorée de recevoir une part intime de l’artiste. Ce portrait de petite-fille m’accompagne alors lorsque j’écris cet article et m’imagine ainsi à quoi elle pouvait penser à la prise de cette photographie.
Dans cet atelier, une grande carte du monde est accrochée au mur. Sylvie me dit qu’elle travaille parfois avec ; afin de réaliser de nouvelles gravures avec de nouvelles images en fonction de l’endroit qu’elle pointe sur cette carte. Enfin, Sylvie me montre certaines sculptures qu’elle a pu réaliser et dont la technique avait été enseignée chez Jacques Walther. L’apprentissage de la sculpture a été un moyen pour elle de travailler des éléments de manière brute pour se replonger dans ses racines ancestrales.
Les œuvres que je découvre ensuite, tout autour de moi, font jaillir des éléments évidents qui ne cessent, au final, d’être présents tout au long de son travail artistique : des arbres, des oiseaux mais surtout la nature, en général. Devant une œuvre, c’est l’instinct qui va jouer un rôle important, me dit-elle. L’oiseau, continue-t-elle, est un symbole de liberté, d’envol ou encore de chant. Ainsi, la création lui permet de s’évader. Toutes ses œuvres se concentrent autour du mouvement et de la couleur. Leur point de vue change si nous insistons avec le regard. En effet, même dans les œuvres abstraites, il est possible de distinguer des formes animant le support.
Ses parents étaient de grands collectionneurs d’art et empêchaient leurs enfants de courir dans la maison afin de ne rien abîmer. Elle souhaitera donc urgemment sortir de cette vision et se permettre une ouverture sur la création ; son art ayant été alors une porte de sortie. Elle aime mettre de la folie dans ses œuvres et ne s’en cache pas. Elle cherche la précision dans l’imprécision, afin de créer son propre chemin dans quelque chose qu’elle qualifie d’immédiat.
C’est le cas de ses émotions quand, par exemple lorsqu’elle est en colère, elle piétine des craies de couleur pour évacuer ce ressenti et en même temps, va récupérer cette matière qu’elle va mettre de côté afin de la retransposer sur un support. Elle anime également des ateliers de clown ; ce qui lui permet de sortir du trop-plein de sérieux que la vie nous renvoie à chaque instant tel un boomerang.
Créer avec ses émotions fait partie intégrante de son leitmotiv et va la mener vers une expression artistique singulière où la récupération de la matière prend une place des plus importantes. Un processus qui l’anime du plus profond de son être et qui lui permet de se distancier de la douleur et de la souffrance vécues physiquement et moralement. Un courage et une positivité se ressentent dans son être ; mais aussi dans ses œuvres qui animent son appartement et sa vie, chaque jour.
Auteure : Marie Bagi, docteure en Histoire de l’art contemporain et Philosophie