Presse & Témoignages

Marie Bagi

sourire ensoleillé
5 juillet 2021

Aujourd’hui, je vous présente l’artiste Sylvie Loeb qui m’a chaleureusement accueillie chez elle. Autour d’un café et de certaines de ses œuvres, dont des livres illustrés pour enfant, elle me montre son atelier et me raconte comment son devenir d’artiste a émergé dans sa vie. De prime abord, je comprends que Sylvie possède une âme positive qui sait tirer le bon du mauvais et qu’elle s’efforce de le transmettre dans sa vie quotidienne ; mais, dans un premier lieu, dans son œuvre.

Née à Berne, Sylvie y reste jusqu’à ses quatorze ans et fréquente une école de langue française. Ensuite, elle part à Lausanne, en internat, où elle prépare son baccalauréat. Entre Lausanne et Neuchâtel, elle suit des études de Lettres où elle étudie principalement l’histoire de l’art. En parallèle, me dit-elle, elle occupe différents postes dans des domaines divers – cela a été de belles expériences qui lui ont appris beaucoup de choses dans la vie, ajoute-t-elle. En 1984, elle est engagée à la Fondation de l’Hermitage en tant que secrétaire générale. Elle occupe ce poste douze ans durant ; jusqu’à ce qu’elle subisse un grave problème de santé qui l’oblige à s’arrêter.

Cet événement a eu de lourdes répercussions sur la parole qu’elle perdit quelque temps. Ceci a été le moteur de la découverte de sa vocation artistique. En effet, son seul moyen d’expression était devenu l’art, notamment par la gravure, la peinture ; mais aussi les livres destinés aux enfants. Elle me dit qu’il n’est jamais trop tard pour se lancer et j’acquiesce car ce besoin artistique se découvre parfois tard même si, en réalité, il a toujours été là et qu’avec le recul, l’artiste s’aperçoit que toute sa vie quelque chose lui a manqué. Ainsi, elle va suivre des cours à l’atelier de Jacques Walther pendant quelques années. Il lui enseigne les diverses techniques artistiques de base puis, depuis 2005, elle suit les cours de gravure eau-forte de Monique Lazega, diplômée de l’Ecole des Beaux-Arts, à Lausanne. Elle y rencontre des artistes telle qu’Iris Dwir-Golderg, artiste membre de l’association Espace Artistes Femmes.

A la suite de son récit, Sylvie me montre son atelier où elle travaille principalement l’eau-forte. Elle me fait découvrir différentes œuvres où il est possible de voir le recyclage photographique qu’elle intègre à la composition. Ainsi, elle ne jette rien, me dit-elle. Tout est utile. Différents supports se présentent à elle ; pour ainsi utiliser plusieurs éléments en même temps ; car, ajoute-t-elle, c’est un moyen de voir d’autres motifs se développer en osmose.

La photogravure est une technique qu’elle va privilégier. Elle me tend l’un des portraits d’une de ses petites-filles, magnifique, et me l’offre. Je suis touchée et honorée de recevoir une part intime de l’artiste. Ce portrait de petite-fille m’accompagne alors lorsque j’écris cet article et m’imagine ainsi à quoi elle pouvait penser à la prise de cette photographie.

Dans cet atelier, une grande carte du monde est accrochée au mur. Sylvie me dit qu’elle travaille parfois avec ; afin de réaliser de nouvelles gravures avec de nouvelles images en fonction de l’endroit qu’elle pointe sur cette carte. Enfin, Sylvie me montre certaines sculptures qu’elle a pu réaliser et dont la technique avait été enseignée chez Jacques Walther. L’apprentissage de la sculpture a été un moyen pour elle de travailler des éléments de manière brute pour se replonger dans ses racines ancestrales.

Les œuvres que je découvre ensuite, tout autour de moi, font jaillir des éléments évidents qui ne cessent, au final, d’être présents tout au long de son travail artistique : des arbres, des oiseaux mais surtout la nature, en général. Devant une œuvre, c’est l’instinct qui va jouer un rôle important, me dit-elle. L’oiseau, continue-t-elle, est un symbole de liberté, d’envol ou encore de chant. Ainsi, la création lui permet de s’évader. Toutes ses œuvres se concentrent autour du mouvement et de la couleur. Leur point de vue change si nous insistons avec le regard. En effet, même dans les œuvres abstraites, il est possible de distinguer des formes animant le support.

Ses parents étaient de grands collectionneurs d’art et empêchaient leurs enfants de courir dans la maison afin de ne rien abîmer. Elle souhaitera donc urgemment sortir de cette vision et se permettre une ouverture sur la création ; son art ayant été alors une porte de sortie. Elle aime mettre de la folie dans ses œuvres et ne s’en cache pas. Elle cherche la précision dans l’imprécision, afin de créer son propre chemin dans quelque chose qu’elle qualifie d’immédiat.

C’est le cas de ses émotions quand, par exemple lorsqu’elle est en colère, elle piétine des craies de couleur pour évacuer ce ressenti et en même temps, va récupérer cette matière qu’elle va mettre de côté afin de la retransposer sur un support. Elle anime également des ateliers de clown ; ce qui lui permet de sortir du trop-plein de sérieux que la vie nous renvoie à chaque instant tel un boomerang.

Créer avec ses émotions fait partie intégrante de son leitmotiv et va la mener vers une expression artistique singulière où la récupération de la matière prend une place des plus importantes. Un processus qui l’anime du plus profond de son être et qui lui permet de se distancier de la douleur et de la souffrance vécues physiquement et moralement. Un courage et une positivité se ressentent dans son être ; mais aussi dans ses œuvres qui animent son appartement et sa vie, chaque jour.

Auteure : Marie Bagi, docteure en Histoire de l’art contemporain et Philosophie

Françoise Jaunin

Témoignages - Sylvie Loeb - Françoise Jaunin
14 mars 2017

Un brouillard d'oiseaux qui s'ébrouent dans le ciel ; un bruissement mêlé d'ailes et de feuillages ; un groupe de corbeaux sombres et de passereaux à ventre tacheté en plein conciliabule ; un hibou chamarré aux yeux ronds, comme étonnés ; un arbre aux mille racines profondément implantées dans le sol ; un profil de montagne découpé sur fond de rouille brun-orangé ; un enchevêtrement profus et léger de lianes et branchages, à moins que ce ne soient les trajectoires de vols d'étourneaux, embrouillées et joueuses... Au bout de ses burins et pinceaux, Sylvie Loeb est une conteuse.  Mais de ses histoires, elle ne livre que des bribes, des séquences brèves et allusives qui surgissent sur la page sans préméditation. A chacun ensuite de se raconter librement l'avant et l'après ! Rien n'y est jamais figé, arrêté, clos. Tout y reste en mouvement, suspendu. Jamais de surfaces recouvertes ni de grandes plages de couleur, c'est la ligne ici qui est reine. Elle reste légère et mobile, mais son tracé noir jamais en repos griffe, balafre, égratigne les taches et les éclaboussures de couleur et scarifie la peau du papier.

Sylvie Loeb avance à l'instinct, sans programme. Elle ne cherche pas dans l'histoire de l'art des modèles qui l'inspirent. Et pourtant, l'histoire de l'art, elle a baigné dedans depuis toute petite, avant d'en faire l'objet même de ses études. Etrange rapport d'amour-haine à la peinture qui accaparait toute l'attention de ses parents, dont l'importante collection colonisait jusqu'à sa chambre d'enfant ! Son titre universitaire en poche, elle devient alors secrétaire générale de la Fondation de l'Hermitage à Lausanne.

L'irruption violente et ravageuse de la maladie est venue tout chambouler. Mais au moment de tout réapprendre, à commencer par la parole, peinture et dessin sont le premier langage qui s'est imposé à elle, comme une bouée de sauvetage. Sauf qu'elle n'avait jamais touché un pinceau de sa vie ! Plus question de lecture et d'analyse d’œuvres désormais, c'est le « faire » qui devenait une nécessité impérieuse. Une série de cours de peinture et de gravure plus loin, la survie et la thérapie par l'art se sont muées en besoin existentiel, en seconde nature. La passion de l'art revenait par la bande, ou plutôt par le plus profond de son être, plus fort et plus exigeant que jamais !

Une forme d'art brut, s'interroge-t-elle au milieu de ses œuvres ? Sûrement pas ! Elle qui a grandi au milieu des Max Bill, Johannes Itten, Richard-Paul Lohse, Klee, Chagall, Ernst ou Miro a, malgré la grande cassure, le regard formé par ces gens-là. Il y a en elle comme un humus nourricier qui s'est déposé pendant son enfance et sa première vie et qui continue, plus ou moins inconsciemment, d'aiguiser son désir et de féconder sa vision. Mais chercher dans son travail des influences directes et des inspirations stylistiques ou conceptuelles serait vain. Sa pratique s'ancre dans son vécu le plus intime, dans sa reconstruction personnelle et ses impulsions et intuitions profondes, et non dans l'héritage de maîtres ou l'imitation d'exemples qu'elle se serait choisis, quand bien même, parfois, les cernes noirs et la verve imagière et conteuse du Chagall lithographe (cette estampe du peintre de Vitebsk dans son salon) ou les jeux de signes et de taches de couleurs de Klee ou de Miro ne semblent pas très loin. Mais c'est sur un autre plan que les choses se passent, comme le souvenir d'une petite musique qui lui est depuis longtemps devenue consubstantielle.

Au début des années 2000, c'est le volume et la matière triturée au bout des doigts qui lui ont permis de réapprivoiser l'espace. Puis la sculpture a laissé la place à la gravure, sur plexiglas ou sur carton. C'est désormais par elle que tout commence, ou presque. La complicité avec la matière reste primordiale : la pénétrer, l'entailler au burin, la taillader, la tatouer. Après quoi c'est la peinture et le chant de la couleur qui prennent le relais, passant aussi par des collages et arrachages, tout un travail de superpositions et de sédimentations qui se fait par étapes, mais qui n'obstrue jamais rien et laisse toujours circuler l'air, le blanc, les transparences. La multiplication des gestes et des techniques fait naître des histoires plurielles qui se mêlent et s'entrecroisent, les unes apparaissant d'emblée, les autres se devinant dans les couches antérieures qui murmurent à mi-voix leurs polyphonies profuses.

Animale ou végétale, la nature est sa grande inspiratrice. Mais qu'elle se manifeste de manière figurative ou abstraite n'a aucune importance. Qu'elle adopte des formes immédiatement identifiables ou qu'elle demeure informelle, ouverte et porteuse d'une énergie ou d'un frémissement ne change rien à l'affaire. Ce qui compte, assure l'artiste, « c'est de raconter des histoires qui ne se livrent jamais d'un coup, qui se découvrent peu à peu mais gardent une part de flou, de mystère et de profondeur ». Il faut se promener dans leurs strates multiples, entre les griffures de la souffrance et les éclats de couleurs joyeuses, les rencontres inattendues qui surgissent sur la page, les histoires qui s'y trament et réinventent sans cesse, et les souvenirs des contes et légendes.

Patricia Méan

Témoignages - Sylvie Loeb - Patricia Méan
30 avril 2015

Peintre , sculptrice, graveuse ou clown, Sylvie Loeb a le sens de la transmission et elle aime particulièrement partager son art avec les enfants.

L’envie d’écrire et d’illustrer l’histoire de Cosmos, un jeune écureuil, a pris naissance au moment même où celle de son petit-fils approchait.

Elle s’est inspirée de sa propre enfance pour délivrer un message positif, afin de dépasser cette peur du noir qui paralyse nombre de petits et grands.

Marie Milis

Témoignages - Sylvie Loeb - Marie Milis
23 juin 2010

Puissante, ferme et légère
Je suis trace, raclure fugace,
Eraflure d’encre sur l’aléatoire du temps.

Quelques cheveux de geais strient de leur brosse
Le paysage d’une écriture sans alphabet,
Une calligraphie sans texte.

Espace de mouvement que nulle loi ne régit
Sinon la valse d’un balancement chaloupé
Aux accents puissants de zébrures mats.

Je suis cette giclée d’or, éclaboussures en tachettes,
Myriade de gouttelettes qui ponctuent l’espace
D’une voie lactée heureuse et lumineuse.

Je suis cette craquelure du temps
Où s’immisce le goût suave et sucré
De framboises pétillantes au jus espiègle devenu peinture.

De grands aplats blancs m’invitent à un repas de carnaval.

Racine boursouflée, je suis quiétude élancée.

Le vent joue dans mes branches et m’enlace.
Je m’élance, je suis la danse,
Cet élan du geste connu des arbres et des peintres.